Comment concevoir des sociétés humaines plus soutenables, plus justes et plus démocratiques ? Telle est la question qui fonde pour l’essentiel le projet décroissanciste. Militants et chercheurs convergent généralement autour de l’idée que l’une des conditions à respecter pour atteindre cet objectif est de réorganiser nos vies à une échelle locale. Mais, comment définir cette échelle ? Quels principes adopter pour cette relocalisation ? Le concept de biorégion, élaboré par des écologistes et anarchistes californiens dans les années 1970, fournit une piste a priori prometteuse. Il désigne un territoire naturel à « échelle humaine », présentant une certaine unité sur le plan géographique (un bassin versant, par exemple), habité par une population s’efforçant d’en tirer sa subsistance à long terme, dans un souci de justice et d’autonomie. Nul n’observera aujourd’hui un tel phénomène. Il s’agit d’un projet politique à accomplir, d’un horizon à poursuivre. Dans cette perspective, on peut en revanche commencer par estimer le « potentiel biorégional » d’un territoire donné. C’est à ce travail que s’est attelée, au printemps 2024, une vingtaine d’étudiant.es ayant suivi le cours d’Yves-Marie Abraham sur la décroissance à HEC Montréal. Et c’est à propos de la péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick, qu’ils ont enquêté sur les conditions dans lesquelles ce bout du monde pourrait devenir une biorégion. Pour ce faire, ils ont bénéficié des lumières d’Alain Deneault qui vit dans la région et promeut l’idéal biorégional. Avec une introduction d’Yves-Marie Abraham, ce numéro hors-série de Possibles présente une partie de leurs travaux, suivis d’une postface d’Alain Deneault.