Perspectives féministes sur les luttes pour le logement au Québec
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Comment citer

Dufour, P., Bergeron-Gaudin, J.-V. et Latendresse, A. (2022). Perspectives féministes sur les luttes pour le logement au Québec. Revue Possibles, 46(1), 22-30. https://revuepossibles.ojs.umontreal.ca/index.php/revuepossibles/article/view/470

Résumé

Ce sont les chercheuses féministes en études urbaines qui ont principalement problématisé les enjeux de logement pour les femmes. C’est d’ailleurs dans ce contexte que les Cahiers de géographie du Québec publient, à la fin des années 1980, un numéro spécial sur les relations spatiales et le genre (Gilbert et Rose 1987), appelant à un renouvellement des analyses géographiques pour prendre en compte la dimension genrée du rapport à l’espace. En 2018, Damaris Rose revient sur cette contribution des féministes en études urbaines. Elle rappelle que la frontière du public et du privé ne se joue pas de manière identique pour les femmes suivant leur logement et sa localisation géographique. Par exemple, les femmes des classes moyennes des régions péri-urbaines ou des banlieues ont historiquement rencontré des difficultés spécifiques que les femmes habitant les centres urbains n’ont pas connues : une accessibilité limitée aux transports et donc, un cloisonnement dans l’espace privé du pavillon domiciliaire ; un accès restreint à certains services sociaux, plus présents dans les grands centres, qui s’accompagne d’un isolement social relatif pour ces femmes.   

Même si le genre est au cœur des questions relatives au logement et à l’urbanité, ce n’est que dans la dernière décennie qu’il est devenu plus visible dans les luttes pour le logement au Québec. Historiquement, les principaux regroupements provinciaux actifs sur ce front ont surtout développé des revendications axées sur le logement social et la régulation des loyers (Bergeron-Gaudin 2017), sans forcément considérer la dimension genrée de l’expérience de logement. Inversement, le mouvement des femmes, et en particulier son principal regroupement, la Fédération des femmes du Québec (FFQ), n’a pas accordé une attention soutenue à la question du logement, ses travaux et revendications portant plus généralement sur les questions liées au corps des femmes et à la pauvreté. 

Ce texte propose de s’intéresser à cette dynamique. Dans une première partie, nous revenons sur les liens entre « genre » et « logement », afin de montrer comment ces deux questions sont intrinsèquement reliées. Puis, nous retraçons empiriquement les lectures féministes dans les luttes pour le logement entre le milieu des années 1990 et aujourd’hui. En conclusion, nous soumettons l’hypothèse que la période contemporaine est porteuse d’espoir, dans la mesure où les enjeux genrés du logement semblent être installés de manière durable dans les préoccupations des organisations qui militent dans ce domaine. 

Nous utilisons tantôt le terme « femme », tantôt le terme « genre(s) » dans la mesure où la manière de problématiser la question du logement pour les femmes et les minorités de genre a évolué dans le temps au sein des groupes. En utilisant le terme « femme », nous faisons référence aux personnes qui se reconnaissent ou qui sont reconnues — notamment par les institutions — comme appartenant au genre « femme ». 

 

Problématiser le couple genre et logement 

Les termes « femmes » et « logement » sont extrêmement imbriqués, dans la mesure où c’est à travers le logement que se joue essentiellement la vie urbaine des femmes (Desroches 2018, 22). Comme le souligne la littérature féministe, dans les sociétés d’Amérique du Nord, les femmes ont été confinées à la sphère privée avant leur entrée massive sur le marché du travail. Le logement était alors le lieu de production et de reproduction sociale de la famille où elles avaient le rôle le plus important à jouer : prendre soin des enfants, nourrir la famille, prendre soin du mari perçu comme le principal pourvoyeur de ressources monétaires (Galerand et Kergoat 2014). Avec l’entrée des femmes sur le marché du travail, la sphère domestique, souvent délimitée physiquement par le logement, n’a que peu été réinvestie par les hommes, si on en croit les statistiques du partage du travail domestique, qui indiquent que les femmes effectuent encore la majorité des tâches liées à la reproduction sociale (IRIS 2014).  

Depuis la fin des années 1980, celles-ci ont été particulièrement touchées par la précarisation du travail, étant plus nombreuses que les hommes à être reléguées dans des emplois précaires, à temps partiel et peu rémunérés. Cette disparité économique a un impact direct sur la qualité du logement, le montant total disponible pour se loger s’amenuisant alors que les loyers ont eu tendance à augmenter (Desroches 2018, 11). Des travaux réalisés au Brésil sur le mouvement des femmes et les luttes pour le logement montrent d’ailleurs que « la précarité des conditions d’habitation touche principalement les femmes qui, en général, sont les responsables de l’administration de la maison » (Alves Calio et Messias Mendes 2006, 4). Ce sont principalement les femmes qui sont concernées par les conditions de salubrité de l’habitat, l’accès à l’eau, le chauffage, l’humidité, la présence de rongeurs ou autres insectes nuisibles. Au Québec, le travail de recherche de Goyer (2017) montre que ce sont les femmes qui « vivent » en première ligne les différentes expériences de logement. Celles-ci développent des pratiques sociales et des stratégies pour vivre dans l’insalubrité, mais aussi négocient avec les différents acteurs afin de régler la question de la salubrité et s’occupent des rapports souvent difficiles avec les propriétaires (pour des réparations, le chauffage, l’isolation, le bruit, le fait de pouvoir rester locataire). Ce sont aussi elles qui réfléchissent en premier lieu à l’option de déménager ou de rester (en tenant compte des réseaux sociaux des enfants, de l’insertion en milieu scolaire, de la disponibilité d’autres logements dans d’autres quartiers).  

Ce n’est donc pas un hasard si dès 1995, la Conférence de l’ONU sur la Femme et le Développement, tenue à Nairobi, a souligné la nécessité pour les pouvoirs publics de prioriser les femmes sur le contrôle du logement, reconnaissant du même coup le travail précieux produit par celles-ci au quotidien. Pour reprendre le constat du mouvement des femmes brésilien, le logement a, pour celles-ci, une valeur d’utilité, parce qu’il devrait représenter un espace de sécurité pour la famille et les enfants, et non seulement une valeur d’échange pouvant faire l’objet de commerce. 

À partir de cette expérience genrée du logement, les féministes revendiquent le droit à un logement de qualité, bien situé dans l’espace urbain et comprenant une sécurité d’occupation (Helene et Lazarini 2018). Ces revendications découlent de la prise en compte de la division sexuée du travail qui joue notamment sur les déplacements (amener et chercher les enfants à l’école et/ou garderie, faire les courses) et la localisation géographique du logement. Ainsi, l’accessibilité des transports et des services est cruciale pour les femmes dans leur expérience de logement et d’habitat. Ces revendications tiennent compte également de la pauvreté féminine, plus importante que pour les hommes, surtout en cas de séparation des ménages. Nous savons que la pauvreté touche distinctement les femmes et les hommes et en particulier, les femmes cheffes de familles qui sont les plus nombreuses dans les revenus les plus faibles, remettant en cause l’idée selon laquelle l’accès au marché du travail est un passeport pour l’autonomie (financière) des femmes. Ainsi, selon des données publiées par le Conseil du statut de la femme (2019) (reprises de Statistique Canada), 36 % des membres de familles monoparentales dirigées par une femme vivent dans une situation de faible revenu et l’écart entre le revenu médian des familles monoparentales dirigées par une femme est de 10 000 $, comparativement à celui des familles dirigées par un homme. Cette indication est parlante malgré la faible valeur empirique de la notion de « revenu de ménage », telle que définie par Statistique Canada et les politiques fiscales, qui ne tiennent absolument pas compte des recompositions complexes des familles aujourd’hui. 

Aussi, les revendications féministes abordent la question des agressions et violences sexuelles qui se déroulent dans l’espace du logement ou à proximité. La question des violences vécues par les femmes dans le logement (violence du propriétaire, violence du conjoint, violence du voisin) a été particulièrement absente du discours public. Alors que le logement, comme habitation, devrait être un refuge ou un abri pour la famille/les enfants, « un endroit pour soi », il apparaît parfois comme un espace de mise en danger pour les femmes, notamment celles dans une situation financière précaire. En 2016, le Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal (CÉAF), situé dans le quartier Centre-Sud, a produit un document « Chaînes et résistance. Contre les violences vécues par les femmes locataires », qui présente des situations où les femmes locataires, seules, ont subi des violences à caractère sexuel, soit de la part des voisins ou des propriétaires.  

Jusqu’à présent, la planification urbaine n’a que peu tenu compte des besoins spécifiques des femmes et de l’aspect genré du droit à la ville. Pour certaines, au contraire, cette planification urbaine a même accentué la division sexuelle du travail (Silva 2003). Or, les perspectives féministes sur le logement permettent de mettre de l’avant d’autres revendications que celles traditionnellement énoncées par les organisations militantes dans ce domaine : rechercher l’autonomie et l’émancipation des femmes dans les centres-villes ; penser des espaces résidentiels alternatifs qui sont propices à la création de solidarités quotidiennes dans le voisinage (garde des enfants, courses, préparation de la nourriture) ; avoir des garanties d’occupation du logement afin de lutter contre la violence urbaine et domestique, mais aussi la violence matérielle. Récemment, des militantes féministes et universitaires ont proposé une réflexion, lors d’un Colloque, afin de mettre en évidence la nécessité de trouver des solutions multiples pour les situations variées que vivent les femmes : en couple, pour les personnes LGBTQ+, pour les familles recomposées (Colloque de mai 2018, Enjeux et perspectives féministes sur le logement des femmes, Université du Québec à Montréal). À cet égard, le travail de Desroches (2018) montre clairement comment les actions posées par le CÉAF ont pu déboucher sur une re-conceptualisation des problématiques de logement, faisant ressortir les dimensions spécifiquement genrées auxquelles les femmes locataires du quartier Centre-Sud étaient confrontées. Par la mise en visibilité des barrières spécifiques rencontrées par les femmes, en particulier les violences dans les relations avec leurs propriétaires ou chambreurs-euses, il est aussi possible d’imaginer une conception intersectionnelle du logement (et donc des luttes), qui viserait à sortir le logement d’une analyse uniquement en termes de rapport de classes pour inclure les autres inégalités structurelles de genre, mais aussi liées à l’âge, au handicap et à la racialisation des personnes. 

 

Lectures féministes dans les luttes pour le logement 

Au Québec, le rapport spécifique des femmes au logement attire peu l’attention des associations de locataires avant le milieu des années 1990, même si certaines initiatives voient le jour de manière ponctuelle ou sur de courtes périodes. L’une des initiatives les plus abouties est l’organisme Information-Ressources Femmes et Logement, un groupe pour le droit au logement des femmes qui a existé de 1986 à 1995 et qui a milité entre autres pour faire reconnaître la présence d’enfant(s) comme motif de discrimination dans la recherche de logement (Bergeron-Gaudin et al. 2020).  

Or, du milieu des années 1990 au début des années 2010, plusieurs évènements vont contribuer à faire vivre les perspectives féministes dans les luttes pour le logement. Souvent initiés par des militantes féministes, ces événements forcent, en quelque sorte, les deux principaux regroupements provinciaux de défense des droits des locataires (le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec – RCLALQ) et de logement social (le Front d’action populaire en réaménagement urbain – FRAPRU) à se joindre à des coalitions dont les revendications sont similaires à celles qu’ils portent traditionnellement. 

Organisée par la FFQ, la Marche Du pain et des Roses en 1995 constitue le premier moment où la question des femmes et du logement refait surface. À la fin du mois de mai et au début de juin, pendant dix jours, plus de 800 marcheuses parties de Montréal, Longueuil et Rivière-du-Loup convergent vers Québec pour lutter contre la pauvreté qui affecte les femmes. Le développement de 1500 unités de logement social par année figure parmi les neuf revendications portées par la Marche. Cette demande s’inscrit dans le contexte du retrait du gouvernement fédéral dans ce secteur, survenu l’année précédente, et du combat incessant que le FRAPRU et ses alliés mènent depuis pour forcer le gouvernement provincial à adopter son propre programme de financement en la matière. 

La même dynamique de coalition s’observe en 2000, alors que la première édition de la Marche mondiale des femmes (MMF) au Québec, née de l’internationalisation de la Marche du Pain et des Roses (Giraud et Dufour 2010), réclame la mise sur pied d’un grand chantier de logement social, comprenant la construction de 8000 unités (HLM, coopératives et OSBL) par année (FRAPRU 2000a). Cette revendication correspond en tous points à celle portée à la même époque par le FRAPRU. Afin de préparer sa participation à l’événement, ce dernier crée à l’hiver 1999, pour la première fois de son histoire, un comité femmes au sein de ses instances. L’une de ses membres siège sur le comité stratégie de la MMF (FRAPRU 2000b). Le FRAPRU fait également paraître une brochure sur les thèmes du logement, des femmes et de la pauvreté en vue de l’événement. Il y souligne : « Pour les femmes, être locataire d’un logement privé veut souvent dire avoir de sérieux problèmes de logement. Problème de discrimination lors de la recherche d’un logement, mais aussi problèmes de salubrité, de chauffage, d’insonorisation, de sécurité et parfois même de harcèlement, lorsque le logement est finalement trouvé » (FRAPRU 2000c). 

Plus tard dans les années 2000, c’est encore essentiellement autour des moments de mobilisation de la MMF que les perspectives féministes reviennent à l’avant-scène dans les préoccupations des regroupements. Le développement du logement social ne se retrouve pas parmi les revendications de la deuxième édition de la MMF au Québec en 2005, mais le FRAPRU participe à l’événement, en invitant ses membres à prendre part aux activités locales du 8 mars et à l’action nationale du 7 mai. Inactif depuis la dernière édition de la Marche, le comité femmes du regroupement reprend du service pour l’occasion.  

La troisième édition de la MMF en 2010 donne lieu à une mobilisation plus large au sein du FRAPRU. Dans les mois qui précédent l’événement, le comité femmes organise cette fois une tournée d’ateliers « femmes et logement » pour aller à la rencontre des femmes locataires et itinérantes du Québec et discuter avec elles de leurs problèmes de logement et des solutions à mettre en place. Cette tournée se déroule dans une dizaine de villes de la province et dans plusieurs quartiers de Montréal et permet de rejoindre 250 femmes. Le regroupement fait une nouvelle fois paraître une brochure sur les thèmes du logement, des femmes et de la pauvreté, qui présente les principaux constats tirés de la tournée (FRAPRU 2010). En 2015, lors de la quatrième action mondiale de la MMF, une nouvelle brochure ayant pour titre « Des logements pour les femmes et les enfants » est publiée (FRAPRU 2015). 

Parallèlement à cette dynamique sur le front du logement social, un groupe montréalais d’entraide pour les femmes victimes de violence domestique, Femmes averties/Women Aware, décide à l’automne 1998 de former une coalition, nommée le Comité logement pour les droits des victimes de violence conjugale. En font partie, l’Auberge Shalom, l’Auberge Transition, le CLSC NDG/Montréal Ouest, la Fédération des ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, Femmes averties/Women Aware, le RCLALQ et le Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale. Regroupant principalement des ressources d’hébergement pour femmes, cette coalition cherche à faire modifier le Code civil pour que les femmes victimes de violence conjugale puissent résilier leur bail avec un avis d’un mois, sans répercussions légales et financières. Ses membres multiplient les actions pour faire pression sur le gouvernement du Québec : conférences de presse, campagnes d’appuis auprès des groupes communautaires et des élus, dépôt de mémoire, rencontres, campagnes de fax, etc. Seul groupe du secteur du logement faisant partie de la coalition, le RCLALQ organise le 4 avril 2004 une action symbolique durant laquelle des femmes se menottent à un bloc d’appartements pour dénoncer le fait que les dispositions dans la loi enchaînent littéralement les victimes de violence conjugale et d’agression sexuelle à leur logement (RCLALQ 2004). La coalition obtient gain de cause en 2006 avec l’ajout de l’article 1974.1 au Code civil (Laperrière 2018). 

Ainsi, bien qu’il ressorte à certains moments particuliers, le genre est généralement peu pris en compte dans les luttes relatives au logement durant la seconde moitié des années 1990 et tout au long des années 2000. Les associations de locataires et comités logement sont davantage préoccupés par leurs enjeux traditionnels du logement social ou du contrôle des loyers que par les besoins spécifiques des femmes locataires. Dans les rares occasions où ils démontrent un intérêt, c’est lorsque des groupes de femmes décident d’investir la question du logement et invitent à construire des alliances. Cette dynamique s’est modifiée au cours des dernières années. 

Dans la dernière décennie, il semble que les perspectives féministes en logement jouissent d’une attention plus soutenue. On assiste, en effet, depuis les années 2010 à la multiplication d’initiatives de la part d’organisations ou de regroupements de défense des locataires et de regroupements pour le logement social et communautaire, qui visent à mieux connaître la situation des femmes en matière de logement et à se doter d’outils afin de prendre en compte les « besoins » spécifiques rencontrés par les femmes en matière de logement. Cela a notamment donné lieu à la recherche de la Fédération des coopératives d’habitation intermunicipale du Montréal métropolitain (FÉCHIM) sur la place des femmes dans la gouvernance des coopératives d’habitation (FÉCHIMM 2018), à l’enquête du CÉAF sur le harcèlement et les violences sexuelles vécues par les femmes locataires, à la production d’un guide d’intervention du Réseau québécois des OSBL d’habitation, etc. Ces initiatives visent soit à documenter, à sensibiliser le public par le biais de l’éducation populaire, à produire des outils d’intervention et à faire pression sur des élu-es. Certaines de ces actions émanent de regroupements d’organisations pour le logement, et un certain nombre sont menées en collaboration avec des organisations féministes. Comme le mentionne Rose (2018), de nouvelles alliances émergent entre chercheuses féministes, intervenantes ou militantes actives en logement (qui sont parfois les mêmes, d’ailleurs), fémocrates féministes élues dans les instances municipales ou provinciales. Il semble y avoir une constellation d’intérêts convergents, laissant entrevoir la possibilité d’une existence sur le plus long terme. 

 

Conclusion 

Jusqu’à récemment, la question du genre dans les luttes pour le logement était relativement marginalisée, alors que l’enjeu est pourtant central. La question qui se pose aujourd’hui : les initiatives récentes que nous venons d’évoquer peuvent-elles changer la donne ?  

Les milieux militants non-mixtes semblent plus réceptifs à la prise en compte des relations entre militants et militantes. Par exemple, lors de la grève étudiante de 2012, les différents comités féministes des associations étudiantes ont permis de faire avancer la réflexion (et les pratiques) de tous et toutes par rapport aux enjeux féministes (mesurer le temps de parole, présence des gardiens-nes du senti, co-porte-patole, etc.). Des militantes étudiantes ont également dénoncé les conduites sexistes de militants qu’elles côtoient et le harcèlement sexuel que plusieurs d’entre elles ont vécu. Depuis 2017, ce sont des féministes qui sont à l’avant-plan des mobilisations étudiantes pour la rémunération des stages (surtout dans les milieux de travail où ce sont des femmes qui sont majoritaires). Dans les dernières années, les campagnes de dénonciation sur le harcèlement sexuel (#MoiAussi) qui se déroulent dans l’espace public donnent aussi une légitimité plus grande à ces enjeux. Autrement dit, les générations de militant-es qui arrivent au sein des comités et regroupements pour la défense du droit au logement ont un parcours et des expériences différentes de leurs prédécesseurs et on peut raisonnablement supposer que cela a un impact sur la présence d’enjeux féministes au sein des revendications et des analyses militantes.   

Finalement, autant dans les milieux académiques que dans les milieux de pratiques et militants, les analyses intersectionnelles prennent davantage en compte les barrières multiples que rencontrent les locataires. Dans cette perspective, le genre est considéré comme produisant/reproduisant des inégalités spécifiques qui touchent les femmes, notamment à travers le travail de reproduction sociale effectuée par celles-ci (gratuit ou transplanté dans le marché du travail). Autrement dit, il devient de plus en plus difficile, ou délicat, de penser le logement sans les femmes. 

 

Notices biographiques 

Pascale Dufour, professeure au département de science politique de l’Université de Montréal 

Jean-Vincent Bergeron-Gaudin, candidat au doctorat en science politique à l’Université de Montréal 

Anne Latendresse, professeure au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal 

 

Références 

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Bergeron-Gaudin, Jean-Vincent. 2017. «Les luttes relatives au logement au Québec : un portrait historique», dans : S Paquin et J.-P. Brady (Dir.), Groupes d’intérêts et des mouvements sociaux., pp. 219-240. Québec : Presses de l’Université Laval. 

Bergeron-Gaudin, Jean-Vincent, Pascale Dufour et Anne Latendresse. 2020. «Une brèche féministe dans les luttes relatives au logement : l’expérience d’Information-Ressources Femmes et Logement, 1986-1995», Cahiers de géographie du Québec (64) : à paraître. 

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Conseil du statut de la femme. 2019. Quelques constats sur la monoparentalité au Québec. En ligne : https://csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/constats-monoparentalite-qc.pdf (page consultée le 29 mars 2022). Montréal : Conseil du statut de la femme.  

Desroches, Marie-Eve. 2018. « Le logement comme clé pour le droit à la ville des femmes ». Métropoles, n 22 (avril). https://doi.org/10.4000/metropoles.5577.  

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Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). 2015. Brochure « Des logements pour les femmes et les enfants ». Montréal : FRAPRU. 

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FRAPRU. 2000b. Lettre datée, 14 septembre. Montréal : FRAPRU. 

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Galerand, Elsa, et Danièle Kergoat. 2014. « Les apports de la sociologie du genre à la critique du travail ». La nouvelle revue du travail, n 4 (mai). https://doi.org/10.4000/nrt.1533.  

Gilbert, Anne et Damaris Rose (Dir.). 1987. «Espace et femmes : pour une géographie renouvellée», Cahiers de géographie du Québec 31(83). 

Giraud, Isabelle et Pascale Dufour. 2010. Dix ans de solidarité planétaire. Perspectives sociologiques sur la Marche mondiale des femmes. Montréal : Les Éditions du remue-ménage.  

Goyer, Renaud. 2017. Déménager ou rester là. Rapports sociaux inégalitaires dans l’expérience des locataires. Département de sociologie. Université de Montréal. 

Hélène, Diane et Kaya Lazarini. 2018. Autonomie et émancipation : les femmes dans les mobilisations pour le droit au logement à São Paulo, Brésil. Communication dans le cadre du colloque Perspectives féministes sur le logement des femmes, Montréal, 15-16 mai. 

Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). 2014. Tâches domestiques : encore loin d’un partage équitable. Notes socio-économique, octobre. Montréal : IRIS. 

Laperrière, Marie-Neige. 2018. «Perspective féministe sur l’article 1974.1 du Code civil du Québec. Une protection efficace dans la vie des femmes locataires victimes de violences?» Canadian Law and Society Association / Association Canadienne Droit et Société 33(1) : 41-59. 

Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). 2004. Historique des démarches et revendications politiques du Comité logement pour les droits des victimes de violence conjugale. Montréal : RCLALQ. 

Rose, Damaris. 2018. «Les approches québécoises sur les femmes et le logement : recherche et activisme féministes», dans : A. Lambert, P. Dietrich-Ragon et C. Bonvalet (Dir.), Le monde privé des femmes. Genre et habitant dans la société française, pp 57-84. Paris : Éditions de l’Ined. 

Silva, Joseli Maria. 2003. «Um ensaio sobre as potencialidades do uso do conceito de gênero na análise geográfica», Revista de História Regional 8(1) : 31-45. 

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