Résumé
Les algorithmes ont déjà des conséquences - négatives - sur la vie des animaux. Ils peuvent commettre des erreurs dommageables mais aussi contribuer à leur exploitation comme dans les robots de traite ou les systèmes de reconnaissance des cris des cochons. Ils sont aussi au cœur du marketing et de la promotion des produits d’origine animale (viande, laitages, cuir). De façon plus indirecte, les algorithmes de génération de textes - comme ChatGPT - ou d’images - comme Midjourney - reproduisent des stéréotypes spécistes et renforcent la croyance commune que les animaux ne méritent pas d’être considérés moralement, si bien que leur exploitation est justifiée. En somme, ils normalisent la violence à leur endroit. C’est ce qu’on peut appeler l’argument du dommage épistémique à l’encontre des animaux. Cet article, à la croisée de l’éthique animale et de l’éthique de l’intelligence artificielle, pose en fin de compte une question aussi fondamentale qu’inédite : voulons-nous vraiment transmettre aux machines nos biais humains défavorables aux animaux?
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